Bruno Duhil 1957 – 2011 | Photo par Jean-Philippe Hemery
écoutez Léo Ferré
Ce matin, lorsque j’ai parcouru le journal de notre région (Ouest-France), j’ai bondi ! D’abord de surprise, puis de stupéfaction. Un « sans domicile fixe » avait été agressé puis peut-être tué. Cette personne, je l’ ai rencontré en mai 2010 dans une rue de notre ville. Je demande toujours aux gens que je photographie, leur accord. Il a accepté moyennant quelques cigarettes. Ce cliché en est le résultat. Je n’en tire aucune fierté mais je ne comprend pas.
Je ne comprend pas qui peut s’en prendre à une personne en souffrance, handicapée et démunie. Je ne comprend pas l’horreur de la vie et le calvaire de certains d’entre nous.
Je comprend juste ma colère et mon indignation. C’est la raison pour laquelle ce site existe; témoigner une fois de plus (et une fois de plus est toujours une fois de trop) de la précarité qui va en augmentant dans notre société de consommation.
Au revoir Bruno, toi que je ne connaissais pas. Cette tragédie m’a permis de connaître enfin ton prénom. — Jean-Philippe Hémery
Bruno Duhil est décédé le 29 octobre 2011. Il avait seulement 54 ans.
Bruno Duhil 1957 – 2011 | Photo par Jean-Philippe Hemery
Il vivait dehors depuis une vingtaine d’années, entre la gare, l’avenue de la République et la rue Madame-de-Sévigné. Il est mort dehors, dans de sombres circonstances, soumises à une enquête. Il s’appelait Bruno Duhil.
« Un homme est mort dans la rue, victime de violences et personne n’en parle. » Pour cette professionnelle de l’action sociale, il faut parler un peu de Bruno Duhil. Cet homme de 54 ans, sans domicile fixe depuis des années, fait un peu partie du paysage urbain du secteur gare. Il a été découvert gisant au sol devant son fauteuil roulant, le samedi 29 octobre dernier, rue Madame-de-Sévigné à proximité du foyer Blanchy. C’est un résident de l’hébergement d’urgence qui a alerté les secours. Mais l’homme, à la santé précaire depuis longtemps, est décédé peu après son admission à l’hôpital.
Hypothèse criminelle non écartée.
Faute d’information, ceux qui le connaissaient, travailleurs sociaux et résidents de Blanchy, pensent légitimement que la police travaille discrètement sur un meurtre. « On entend qu’il a été agressé et laissé pour mort. On sait que la rue peut être dure. Bruno avait déjà fait l’objet de violences », commentent plusieurs acteurs sociaux nazairiens. L’enquête est toujours en cours, car l’autopsie n’a pas levé tous les mystères. La mort serait liée à l’état de santé, notamment pulmonaire, de M. Duhil, mais « l’autopsie ne permet pas d’écarter l’hypothèse criminelle », confirme la procureure Florence Lecoq.
Le visage de la victime portait des blessures et ecchymoses qui ne sont pas forcément liées à des chutes. Et c’est bien cet aspect qui fait l’objet d’analyses approfondies dont les résultats sont attendus dans les prochains jours.
L’ancien soudeur a choisi la rue.
Au foyer Blanchy, le décès de Bruno Duhil a suscité une grande émotion. « Il était respecté » insiste Paul Bonamy, responsable hôtelier à Blanchy. Sans doute pour son parcours d’ancien de la rue. Un choix fait voici quinze, peut-être vingt ans, probablement pour les causes assez classiques : rupture, alcool, chômage. « C’était paraît-il un soudeur, et un bon » disent ceux qui le connaissaient. Les liens familiaux étaient forcément rompus ou distendus. « Sa fille le voyait un peu. Il n’était pas totalement seul. »
Sébastien Perrinel est le responsable du centre communal d’action sociale. En poste depuis quelques mois, il a rencontré le sans-abri plusieurs fois et tenté de trouver une solution avec les associations spécialisées dans l’hébergement d’urgence. Le cas était compliqué. Sa santé s’était détériorée. Hygiène et alcoolisme posaient problème. « Il était très dépendant depuis des accidents vasculaires cérébraux, ne parlait que par sons. Du coup, il ne pouvait plus accéder à la chambre réservée aux personnes à mobilité réduite, qu’il avait longtemps occupée », indique Sébastien Perrinel.
Avant l’été, Bruno Duhil avait accepté une hospitalisation en Maison spécialisée dépendant de l’hôpital à Guérande. « On lui avait préparé un dernier repas. Il était bien habillé et partait avec le sourire. », raconte Paul Bonamy, responsable hôtelier à Blanchy. Au bout de quelques semaines, il avait choisi de quitter Guérande. « Sans doute qu’il s’ennuyait. Quand on est comme lui un ancien de la rue, c’est dur d’en sortir », dit Paul Bonamy. Il avait alors repris sa vie dehors, « dans son triangle des Bermudes, de chez Harrel à la gare et vers ici ». Il est mort dans cette rue Madame-de-Sévigné qui abrite ceux qui aident et qui sont tristes de n’avoir pas pu l’aider assez. — Frédéric SALLE
Mourir, ce n’est rien. Commence donc par vivre. C’est moins drôle et c’est plus long.
Ah ! Oh ! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé, je suis administré, je suis enterré. Oh, mais tout de même !
Comme toi, Jean-Phi, je ne connaissais même pas le prénom de Bruno. Nous
étions sûrement nombreux, parmi les piétons du quartier de la gare, à le
connaître de vue…
Il m’est arrivé, moi aussi de lui donner une clope ou une pièce. Et
toujours difficile d’aller plus loin, de parler… surtout ces derniers
temps, où il ne parlait plus du tout !
C’est très dur de le savoir mort, peut-être d’une sordide façon, en tout
cas victime – parmi tant d’autres! – de la « casse sociale » en route
depuis tant et tant d’années !
La Fraternité ? : C’est inscrit sur les frontons de nos édifices
publics, sur la devise vidée de sens dans les faits.
Pour rappel, le vrai sens de la devise est « Liberté POUR l’Égalité PAR
la Fraternité »…
C’est bien d’avoir intitulé ton site de ce « Boulevard de la Fraternité »
nazairien. Merci.
C’est difficile, avec un marginal comme Bruno, entre autres, de pouvoir
être vraiment fraternel : tout simplement parce que la vraie devise est
bafouée, devenant :
« Liberté pour le renard d’aller piller les poules »… avec « cocorico » en
prime !
Je veux dire que la « libre »machine fabrique l’IN-égalité et que les
victimes les pires, comme Bruno, deviennent même « fermés » à toute
fraternité, ou presque, car « au bout du rouleau ».
Merci, donc, de nous révéler qu’il fut, par exemple, ouvrier-soudeur, et
père d’une femme : bref un être humain comme un autre… mais écrasé
encore pire que nous par la férocité du « renard »!
Il y a peu, j’avais écrit un texte qui concernait nôtre manque d’humanité, impuissance à lutter contre l’indifférence et la vie qui va de travers parce qu’on a pas « les couilles » a se révolter, au moins contre ça, fraternité .
en voici un extrait : Qu’importe, le type la-bas, qui crache sa dignité, vacille, sombre, s’efface, dans les violons du trafic .
le type là-bas a mille fois raison . dans chacune de ses mains,
le pour et le contre;monnaie de nôtre pardon . Voilà l’hommage que je peux faire, pour ne pas oublier et ça fais mal …
Bonjour,
Je suis la fille de Bruno et je voulais vous remerciez pour votre humanité, pour me montrer qu’elle existe encore, pour ces mots qui représente énormément à mes yeux. Merci
très belle photo, reposez en paix monsieur Duhil
paix a son ame
magnifique photo mr duhil tu nous mankeras beaucoup mai repose en paix
Je souhaiterai aussi rendre un hommage à Anthony qui nous a quitté aprés seulement 21 printemps de vie!!! La rue aura raison de ces deux hommes et j’espère qu’ils auront retrouvé la paix!!!! Bon voyage à eux, ici bas personne ne vous oublis. Merci pour ce magnifique recueil.
bonjour je suis la niece de bruno et je vous remercie pour ce site je viens juste de le trouver et c est la premiere fois que je le voyais en photo .pouvez vous m envoyer les autres que vous avez svp.a toi mathilde ma cousine tiens bon je taime
J’ai bien connu Bruno fin 90, il était souvent avec patrick une autre personne qui vivait dans la rue, un monsieur avec une béquille, à l’époque je m’étais occupé de Bruno car il avait été hospitalisé sur Saint Nazaire, il avait en tout et pour tout un sac avec ses papiers et des vêtements…il était d’une gentillesse cet homme, mais la vie ne l’a pas épargnée, c’est un monde cruel et malheureusement on ne peux pas faire grand chose si eux ne veulent pas…Je garde un bon souvenir de Bruno et de sa fille dont il parlait souvent.
j’ai connu bruno au foyer blanqui en 2010. franchement des fois, a cause de l’alcool, il etait pas facile mais il etait tres gentil dans le fond. C’est vrai que tout le monde le respectait au foyer. Ont poussait son fauteuil jusqu’a la gare, ont lui donnait du tabac… ca a fait un sacre choc de le savoir mort… Je garde un bon souvenir de lui et merci pour l’article!