MISE A L’INDEX

Je ne veux plus de numéros
Pour marquer les pages d’un livre
Qu’il n’y ait plus de Recto-verso
Qui indique la marche à suivre.
Je préfère aller au hasard
Dans le méandre de tes lignes
Tel l’ivrogne sortant d’un bar
Et qui se moque des consignes
Titubant d’une feuille à I’autre
Sans vraiment savoir où poser
Les yeux, et qui soudain se vautre
Dans le silence de ses pensées.

ELLIPSE

J’ai galeré pas mal
Dans ma tête.
Jets d’galets ronds font mal
A la tête.
Ricochets… hocher d’la tête
Toujours dire oui
P’têt
C’est comme ça qu’on court…
Qu’on court à sa perte.

LA PAGE CORNEE

Tes yeux…
Je ne voyais que tes yeux.
Tes yeux…
Brillants de larmes
De nos bonheurs
Des corps à coeurs.
Tes yeux…
Et j’oublie ton visage
Sauf tes yeux, tes yeux…
Et le décor disparaît
Les meubles,
Les murs, l’extérieur.

GOMMES PAR TES YEUX.

LA RUE DES NOCTAMBULES

Le long d’la rue des noctambules
Y’a des putains qui font l’trottoir
Et des paumés qui déambulent
Comm’ un sucr’ fond dans l’cafe noir.

Le long d’la rue des noctambules
Y’a des poivrots aux yeux hagards
Y’a des mégots, des bouts d’cigares
Dans l’caniveau qui s’congratulent.

Le long d’la rue des noctambules
Y’a des « c’est sûr » et des hasards
Y’a des bavures et des bavards
Pour les poulets et leurs émules.

Le long d’la rue des noctambules
Y’a des acides et des pétards
Des systèmes nerveux qui se brûlent
Dans la fumée du désespoir.

Le long d’la rue des noctambules
La solitude est au rancard
Y’a des pauv’ gars qui éjaculent
Sur un prénom, dans l’urinoir.

Le long d’la rue des noctambules
Tu es ma lame de rasoir
Mon présent joue les funambules
Sur le fil de notre histoire.

A, Comme…

L’interaction de nos délires
Dans la chambre de la folie
Capitonnée comme le navire
Menant à la fin de la vie,
Nous laisse entrevoir les mystères
De notre vécu intérieur
Comme acteurs d’un conte pervers
Qui ont les yeux brillants de sueur.
Désir et délire correspondent
Par la structure et par le sens
Et le plaisir qui vagabonde
N’a de folie, que l’impatience,
Mais si l’emprise des tabous
Freine un peu les adorations
Eliminons tous ces remous
Sans nul besoin d’exhortation.
Laissons rejoindre esprit et corps
Pénétrant un monde nouveau
Marchant le long du corridor
Où n’existent plus les fardeaux.
Inutile d’avoir la vue
Pour facilement s’y retrouver ;
Tous les couloirs ont une issue
Laissons-nous simplement aller.
Mais nous arrivons à l’instant
Où la réalité s’avère
Plus forte que le subconscient
Et elle nous attire en arrière.
On se retrouve à l’extérieur
Sans pour ça, regretter vraiment
Ce petit accès de bonheur
Qui nous a fait bouillir le sang.
La lumière du jour nous appelle
Et elle nous crève les pupilles
Mais le souvenir corporel
A aidé a franchir nos grilles.

On se regarde sans rien dire
Corps et âmes se sont fondus
Pour libérer notre vertu
Juste l’espace d’un sourire.

UN FAUX DEUIL POUR DEUX

Le voile de ma mémoire
S’allonge sur ton corps
Silence épiscopal
Le rire de la mort.

Ce masque de froidure
M’éloigne de tes larmes
Tes mensonges, j’endure
C’est un signal d’alarme.

Statue de glace, je te fuis
Et pas à pas, toi tu me suis
Je te conduirai dans l’abîme
De notre amour sans patronyme.

Tu te fonds dans la pierre
De cette chapelle vénitienne
En chassant la lumière
D’une discrétion reptilienne.

Ton coeur est tel un masque
En ce jour de deuil,
Union d’êtres fantasques
Embrassant leur cercueil.

LA VOISINE D’EN FACE

Tous les soirs, il la regardait
Tapi dans I’ombre de sa fenêtre
Tous les soirs, il la regardait
Et il sentait le désir naître.

Lorsqu’elle se dévêtait
Ou bien faisait sa toilette
Sans un souffle, lui la guettait
En tirant sur sa cigarette.

Il était seul et sans amis
Même ses voisins le détestaient
Parlant peu, gardant ses secrets…
Mais elle occupait son esprit.

Il la caressait à distance
De tristes larmes au coin des yeux
Emu devant tant d’innocence
Il se sentait d’un coup si vieux.

Il imaginait son parfum
Et cette odeur acidulée
Etait-elle un rêve chagrin
Ou bien une réalité?

Peut-être l’aimait-il sans l’aimer
Mais il ne pouvait pas haïr
La femme qui l’avait entêté
Jusqu’à l’empêcher de dormir.

Lorsqu’un soir, elle l’aperçut
Tapi dans l’ombre de sa fenêtre
Elle sentit un regard déçu
De ne pas encore la connaître.

C’est elle qui fit le premier pas
Et vint cogner centre sa porte
Il ouvrit sans savoir pourquoi
La tentation était trop forte.

Quand ils se trouvèrent nez à nez
Il changea de comportement
Car elle sortit sans ménagement :
Il voulait seul’ment en rêver. Ses volets, depuis, sont fermés.

L’ENFER AUX PIEDS

Ils m’ont gerbé à fond de cale
Et ils m’ont mis les fers aux pieds
Parc’que j’avais un idéal
Je voulais gueuler : « LIBERTE ».

Ils m’ont fait vivre avec les rats
Avec eux, j’ai tout partagé
Ma solitude et mes repas;
Ils étaient ma seule amitié.

Dehors, j’étais un prisonnier
Un anarchiste et un paria
C’est pour ça qu’on m’a torturé
Les démocrates ne me veulent pas.

Un jour, ils me libéreront
Quand je serai sénilité
Vieux et débile, ils me croiront,
Mais sur la porte de ma prison,
J’écrirai ce mot : LIBERTE.

PETIT, VAS DIRE A TA MAMAN

Petit, vas dire à ta maman
Que je m’en vais

Suis-je de trop? C’est c’que j’ressens
Pourtant, pourtant je vous aimais.

Petit, vas dire à ta maman
Que je m’en vais

Je me rends compte qu’il trop tard
A present
Pour réparer je ne sais quoi
Ni même comment.

Petit, vas dire à ta maman
Que je m’en vais

J’avais misé gros sur la vie
Et j’ai perdu
Elle a choisi un autre lit
Je suis perdu.

Petit, vas dire à ta maman
Non! Après tout, c’est inutile
Petit, petit…
Il est parti… vers sa maman
… En courant…

TU SAIS SI BIEN MENTIR

Tu m’avais dit : « On s’ra heureux
Et on s’apprendra peu à peu
On regard’ra vers I’avenir »
Tu sais si bien mentir.

Et puis un jour, on va s’marier
Ca va être pour l’éternité
Jamais, je te ferai souffrir
Tu sais si bien mentir.

Notre enfant sera le plus beau
On le couvrira de cadeaux
Il nous fera vivre et sourire
Tu sais si bien mentir.

On fera tous les beaux voyages
On verra tous les paysages
Vivre ensemble ou alors mourir
Tu sais si bien mentir.

De la retraite, on profit’ra
Toute la journée, on s’enlaç’ra
On aura vu le gosse grandir
Tu sais si bien mentir.

Aujourd’hui, on va tout gommer
Tourner le dos à dix annees
Mari et enfant, tu vas fuir
Tu sais si bien partir.

SAVAREZ

Un jour, je me suis vu
Parlant à ma guitare
Un jour, je me suis vu
Parlant à ma mémoire…

Et chaque corde qui tintait
Etait pour moi, un souvenir
Et chaque note qui résonnait
M’aidait à aimer ou souffrir.

Le MI aigu, c’était pour son cul
Le SI était pour ses « Oui, mais si… »
Le SOL était pour ses Ras-le-bol
Le RE pour son sol si bien ciré
Le LA pour « Quand j’avais besoin d’toi, t’ étais pas là »
Et le MI pour « On restera amis »
On restera à MI !!!

SANS DIESES NI BEMOLS

Elle m’a dit : « Vas te faire DO RE »
Ca sonne faux sur ma guitare
Et j’me suis r’trouvé sur le SOL
Mes deux valises sur le trottoir.

J’ai téléphoné a LA Ml
Qui m’écoute quand j’ai le cafard
Lorsque j’ai honte de me MI RE
Dans la glace de mon armoire.

M’a dit : « J’peux pas, j’vais voir DO MI
Tu sais, LA DO dont j’t’ai parlé
Celle qui sortait avec RE Ml
Quand tous les deux on s’LA DO RE ».

Alors j’suis allé à l’hôtel
J’me suis couché, j’ai fait DO DO
Avec LA SI, le chien fidèle
Qui est plus; mon Alter Ego.

Je l’aime bien mon vieux clébard
Lui, c’est vraiment ma seule FA Ml
On cause tous deux de nos déboires
Quand j’suis fâché avec ma MI.

Puis j’suis rentré a la maison
Y’avait SI SI à  a télé
« Tu as bu plus que de raison! »
M’a-t-elle dit d’un air é FA RE.

C’est vrai, j’avoue qu j’étais SI RE
Dans le salon, j’ai vu l’sofa
Et sans rien dire, j’me suis MI LA…
Ma guitare, depuis, j’l’ai donné.

FLEAUX

Qui êtes-vous femmes de sang?
Sans eux, rien faire vous ne pourriez?
Riez pendant qu’il en est temps
Tant pis pour ceux qui ont crié.

Vos créateurs, nous les humains
Main dans la main pour nous détruire,
Irons-nous bien jusqu’à demain?
Demain, pour vous anéantir.

Guerre, cruauté et famine,
Mine de rien, investissez
Tissez la trame même fine
Finissant de nous éventrer.

Un beau jour, nous arriverons
Rompant un monde sans honneur;
Ne riez plus, c’est l’oraison
Raison surmontera Horreur.

TENIA

T’es là devant ton verre
Solitaire…
Tu sais plus trop quoi faire
T’es amère…
T’arrives plus à penser
T’es brûlé…
Tu voudrais faire quelque chose
Trop, tu causes…
Tu voudrais t’en sortir
Faux martyr…
Regardes donc les autres
Faux apôtre…
T’as d’la merde dans les yeux ,
Nom de Dieu…
Penses un peu moins à toi
Ils sont là…
C’est un monde qui se meurt
Dans ton coeur…

LE BAR BLEU-NUIT

Sur le comptoir d’un bar bleu-nuit
La chanteuse de Blues a sévi
Et de son timbre rauque
Dans une atmosphère glauque
Elle a conté aux piliers d’bar
Qu’ils n’étaient pas là par hasard.

Sur le comptoir d’un bar bleu-nuit
La chanteuse de Blues a souri
Etonnant, lorsque dans ses yeux
La tristesse peut être un aveu.

Sous le comptoir d’un bar bleu-nuit
La chanteuse de Blues est partie
Rejoindre au fond d’un saxophone
Miles Davis, devenu aphone.

CYTHERE

Le jaune des lampadaires
Me gonfle les paupières
Eclat d’une lumière
Comme le jour : Ephémère.

Le rouge de ton sang
Me gonfle les artères
Eclat de sentiments
Comme la nuit : Adultère.

Mais le blanc de ton âme
Dégonfle ma colère
Idiotie que le drame;
Embarquons pour Cythère.

LE TRAIN

Le train est une société
Où tous genres sont représentés
Différences physiques ou sociales
On s’comprend, c’est le principal.

J’entre au hasard dans un wagon
Où est inscrit « Deuxième classe »
On me bouscule, je dis pardon
Quel mal pour trouver une place.

Final’ment, j’arrive à m’asseoir
Entr’ une fille aux airs délurés
Et un gros bonhomme à cigare
Qui m’empeste avec sa fumée.

Face à moi, une forte femme
S’occupe en mangeant des gâteaux
Que son estomac lui réclame
Comme un bébé veut son berceau.

Son petit chien entre les bras
Elle regarde le paysage
Avec son physique de Diva
Auquel on ne donne plus d’âge.

Soudain, le bonhomme au cigare
Qui voudrait bien le rallumer
Demande à la fille à l’écart
Si du feu, elle peut lui donner.

Je ne fume pas, lui dit-elle
Et ce wagon est « Non-Fumeurs »
Très juste, dit la dame au teckel
Etouffant sa mauvaise humeur.

Voyant se gâter le climat,
Je quitte le compartiment
Je ne veux pas entendre ça;
Au prochain arrêt, je descends.

Depuis cejour, j’ai décidé
De ne plus jamais remonter
Dans un wagon de chemin d’fer
Car ça me tape sur les nerfs.

Le train est une société
Où tous genres sont représentés
Différences physiques ou sociales
On s’comprend, c’est le principal.

L’HORLOGE A VAPEUR
N’ A PLUS DE CHARBON
NE DONNE PLUS L HEURE
C’EST CON

LE RAT DEBILE ET LE RAT MECHANT

Au fond d’un triste asile
Aussi gris qu’un caillou
Régnait le rat débile
Sur sa troupe de fou.

Il n’était pas despote
Et voulait faire plaisir
A tous ses nombreux potes
Qui l’avaient fait élire.

Jamais ne donnait d’ordre,
Au plus, il suggérait
Y’avait pas de désordre
Et tous les rats s’aidaient.

C’etait la folie douce
Qui imprégnait ce lieu
C’est sûr, ils étaient tous
Finalement heureux.

Jusqu’au jour maudit
Du 25 courant
Où ils ont accueilli
Un noble, le rat méchant.

C’était à la Noël
Entonnoirs en batailles
Ils avaient fait ripaille
Et la vie était belle.

Ils demandérent comment
Etait la vie dehors
Alors le rat méchant
Leur narra que la mort
La folie, la misère
Planaient et que dehors
N’était plus qu’un désert.

Les compagnons d’asile
De ce bon rat débile
Se révoltèrent alors,
Croyant tous être en tort
De se souhaiter les voeux
Alors que la mort
Avait clos bien des yeux.

Ils tuèrent le rat débile
Pour délit d’ignorance
Et le mirent au grill
Pour une dernière bombance.

Ce fut le rat méchant
Qui prit bien sûr, sa place
Et l’asile maintenant
Bien plus froid que la glace
Ressemblait aux tourments
Qu’infligeait à ses gens
Le tout nouveau tyran
Appelé rat méchant.

La seule moralité qui sied à cette histoire
Me dicte la folie et devant mon miroir
Je cours de ce pas me mettre un entonnoir
Il ne me va pas mal, alors je garde espoir.

GREFFE

Je bats au rythme de ses pas
Je me bats centre son trépas
J’ai changé de propriétaire
Là-dessus, n’ai pas de critères.

Mon rôle consiste avant tout
A redonner vie aux artères
A ranimer veines et pouls,
Ainsi limiter l’éphémère.

Je veux redonner le sourire
A ceux ne pouvant pas pleurer
Je veux encore sentir frémir
Un corps que l’on dit condamné.

Mon idéal est sans mérite
Je ne suis pas un raisonneur
Mais pour les autres, je gravite;
Je suis ce qu’on appelle un coeur.

18 ans

Il y avait 18 ans
Qu’ils ne s’étaient revus
Ils étaient deux amants
En quête d’absolu.

Il y avait 18 ans
Pour eux, c’était hier
Où les meilleurs instants
Se voulaient vie entière.

II y avait 18 ans
La vie suivant son cours,
Chacun séparément
Fit son propre parcours.

Mais ils savaient qu’un jour
Sûr, ils se reverraient
Au coin d’un carrefour,
Au détour d’une laie.

Ils se sont appelés
Pour forcer le destin
Avaient-ils donc changé ?
Tous deux n’en savaient rien.

Sur le quai de la gare
Ils se sont retrouvés;
Dans le fond des regards
Une larme a coulé.

ET PAON!

Ce paon faisait la roue
Avant d’se mettre à table
C’était signe pour nous
Qu’il était un notable.

Ainsi on respectait
Ses envies d’ Empereur
Parce que l’on craignait
Tous ses accès d’humeur.

II s’appelait LEON
Et dans les pique-niques
Il dressait, nous dirons
Une nappe monarchique.
Mais ceux qui refusaient
De lui donner raison
Chasser, on les faisait
De la nappe au LEON.

L’AIEULE

Nous contemplant depuis des lustres
Elle défie la vie et la mort
Qu’ils soient aristocrates ou rustres
Elle voit les hommes subir leur sort.

Son coeur palpite sans hésiter
Possède une santé de fer
Elle a des centaines d’années
En a vu passer, des hivers.

Elle est solide, la vieille femme
Et sa vie est bien ordonnée
Jamais rien, elle ne nous réclame,
Elle se nourrit de liberté.

Mais un beau jour, chose fatale
Son organisme s’est usé
Elle a poussé un dernier râle
Et sans pleurs, elle nous a quitté.

Pour elle, s’est arrêté le temps
Il n’y a qu’une heure sur le cadran,
Elle est immobile à présent
La pendule de Grand-Maman.

LE REVERBERE

Avoir le coeur serré
De crainte ou de désir
Toujours se demander
La chercher ou la fuir ?

Regarder le passé
Ou bien le devenir
Avoir envie d’pleurer
Quand on voudrait sourire.

Sans doute suis-je fou
De ne penser qu’à elle
Car rien ne se résout
Si ce n’est au pluriel.

Je suis comme un p’tit môme
Qu’a perdu sa maman
Mon coeur, en métronome
Oscille éperdument.

J’en aurais presque honte
Qu’elle soit mon absinthe
Et à rebours, je compte
Attendant son étreinte.

L’existence n’est pas tendre
Lorsqu’on veut la refaire
J’vais m’asseoir et t’attendre
Là, sous le réverbére.

CORDE A NOEUD

Ma chérie, je t’ai trop aimé, j’me suis pendu
Au fil à linge de nos idées trop distendues
L’amour nous a pris à rebours et sans façon
J’ai sans doute navigué autour d’la déraison.

Mais s’il fallait faire un bilan de nos fantasmes
Sans forcément tomber dans les sarcasmes
Je dirais simplement qu’la pendaison
Est celle que j’préfère des condamnations.

Car bien sûr, sans vouloir chercher une oraison
Pour l’éjaculateur précoce (pas sûr, dans l’fond)
Tu regrettais mes érections vite disparues
C’est aussi pour cette raison qu’j’me suis pendu.

IL N’EST JAMAIS TROTTOIR…

J’ai commis sur des lèvres
Quelques mots nus, mental,
Qui sans tirer des pieds
Mettaient les vers au tri.

Il ne tient qu’à ta strophe
Qu’avec des mots graphiques
Tout l’écho peint d’abord
T’ordonne : « Laisses tes tics ».

Et si l’image innée
Pour un pro, c’est verbal;
Tout ce qui était cri
Fait taire les macs à dames.

BON SANG, QU’J’LES AI AIME

Bon sang, qu’j’les ai aimé toutes ces fllles d’un solr
Horloges de mon passé
Tic-tac aléatoire.

Bon sang, qu’j’les ai aimé tous ces verres de liqueur
Où je me suis noyé
Pour oublier mes pleurs.

Bon sang que j’l’ai aimé la belle solitude
Quand j’étais mon geôlier
Gardien des servitudes.

Bon sang, qu’j’les ai aimé ces paquets de Gauloises
Que je voulais fumer
Pour que le noir s’embrase.

Bon sang, qu’j’les ai aimé toutes ces nuits si noires
Que j’étais libéré
De mes jours dérisoires.

Bon sang que j’l’ai aimé malgré qu’elle m’ait fait peur
Mon existence passée,
Mémoire de mon coeur.

HEROÏNE

Dans une chambre d’hôtel
Aux murs sordides et lourds
D’où suinte le réel
D’un présent sans recours,
Il est là !
Allongé sur un semblant de lit
D’où parait s’échapper
Tout un monde de cris.

On perçoit juste un bruit
Comme un battement de coeur,
Un robinet qui fuit
L’eau d’une rare blancheur.

Il est là
Allongé et les yeux grands ouverts
Mais qui se sont tournés
Vers ses matins d’hier.

Sa bouche est un rictus
Sourire ou bien douleur ?
Il prend le dernier bus
Qui n’a plus de couleur.

Sur la table bancale
Une petite cuillère,
Seringue familière
Telle une pierre tombale.

Adieu, rêves interdits
Qui furent ma conscience.
Loin de vous, je m’enfuis
Trouver ma délivrance.

OS RANGES

Collections d’outre-tombe
Tas d’os enfouis
Au fond des catacombes
Votre blancheur, j’envie.

Vos crânes souriants
Sans haine ni rancceur
Sont des plus rassurants
Pour les profanateurs.

Vous êtes invités
Dans ces orgies sans nom
Vous êtes mobilier
Et prêtres sans renom.

Musiciens et poètes
Gardiens du Père Lachaise
Ignorez-donc ces fêtes;
Que la mort vous apaise.

La finalité de l’Amour
Réside en une seule chose,
C’est qu’il ne faut pas être sourd
A ce que l’autre nous oppose.

ARTHUR

Que fais-je là
En faux Berbère
Tel une épingle
Dans le désert ?

Natif de Charlevilles
Et ami de Verlaine
Génie fou ou débile
Quelle muse me mène ?

Tout le Quartier Latin
Résonne de mes mots
Mon but n’est pas atteint
Je guide des chameaux.

De l’absinthe, je n’ai plus
Le moindre goût en bouche
Aurais-je assez vécu
Pour qu’amnésie me touche ?

Sous cette chaleur
Je fuis mes peurs
Sous ce chapeau :
Arthur Rimbaud.

LE MUSICIEN INCONNU

Il voulait faire un impromptu
De sept notes qui se bousculent
Et qui mettaient son âme à nue
Sans prévenir, sans préambule.

Il voulait narguer I’inconnue
La page blanche sans musique,
Caresser la vierge et dessus,
Laisser courir un doigt magique.

Il voulait dessiner I’histoire
Faite de larmes et de rires
Et enfin, les hommes, émouvoir
Avec le mieux, avec le pire.

Il voulait simplement créer
Sans prétention mythomaniaque
Il se levait pour griffonner
De pâles notes d’insomniaque.

Il doutait de lui et des autres
Peur qu’on le prenne pour un apôtre
Sa partition est restée vierge
Mais lui, a sauté de la berge
Et ainsi, il périt noyé
Pour quelques notes avortées.

L’ETOILE

Une nuit j’ai tourné
Ma tête vers le ciel,
Un ciel vide et glacé
Où manquait l’essentiel.

Où étaient les étoiles ?
Avais-je donc rêvé ?
C’était phénoménal
J’avais tout oublié.

Jamais elles ne m’avaient manqué,
Sans leur présence, J’avais vécu,
Peut-être n’avaient-elles existé
Que dans mon esprit saugrenu.

Je fus des années tracassé
Dans ma vie, dans mes nuits, mes rêves,
Par leur présence à mes côtés
Qui ne me laissait pas de trêve.

Des nuits et des nuits j’ai scruté
Un ciel désespérant de noir
Mais elle a fini par briller
L’unique étoile de mon espoir.

Une nuit j’ai tourné
Ma tête vers le ciel
Et je l’ai regardé;
Elle était la, si belle.

Je n’osais pas y croire
De bonheur, j’ai pleuré
J’ai brûlé ma mémoire,
L’étoile, j’ai emmené.

LE PASSEUR

Il était sur la berge
C’était l’aube et la brume
Telle la fumée d’un cierge
Qul lent’ment, se consume
Embaumait alentour
Les marais silencieux
Et dans ce nouveau jour
Ne perçaient que ses yeux.

Etrange personnage,
Pas la moindre émotion
N’imprègne le visage
De cet homme sans nom.
Figé comme le mortas,
La bouche toujours close
Il attira mes pas
Sur une yole morose.

Du reste, je n’ai plus
Le moindre souvenir
L’autre rive, n’ai vu
Mais j’ai dû m’évanouir.
Son secret, j’ai percé
Lorsqu’en me réveillant
En pays inconnu
Près de moi, j’aperçus
Une faux en porte-clés
Qu’il avait oublié.

ORIGINEL

Le jour où je mourrai
Ne veux pas qu’on m’enterre
Où la terre, élément
Devient élémentaire.
Et aimant l’âme en terre
Si la terre est l’aimant
Qui attire les vers,
Ne veux pas qu’on m’enterre.